- CALÉDONIENNES (CHAÎNES)
- CALÉDONIENNES (CHAÎNES)Dérivé de Caledonia (nom romain du nord de la «Bretagne», encore utilisé pour désigner l’Écosse), le vocable «calédonienne» a été attribué par Eduard Suess à la «chaîne prédévonienne qui vient de Norvège et qui constitue toute l’Écosse, y compris le bord externe, correspondant à la zone des chevauchements d’Erribol». Par extension, on peut qualifier de «calédoniennes» les chaînes de montages nées de mouvements contemporains de l’orogenèse calédonienne. Celle-ci a affecté un ensemble de structures liminaires en bordure des boucliers antécambriens, comprenant, du nord-est au sud-ouest, le Spitzberg (Svalbard), les monts scandinaves, l’Écosse, le nord de l’Angleterre, le pays de Galles et le nord de l’Irlande. Elle peut être raccordée – et c’est, en fait, ce qui permet d’étendre l’attribution du terme «calédonienne» – d’une part à une série d’orogenèses circumarctiques, par juxtaposition bout à bout, d’autre part aux orogenèses groenlandaise et appalachienne, par accolement, dans l’hypothèse d’une dérive continentale (fig. 1). Chacun des géosynclinaux de ce système s’est esquissé avant le Cambrien, a subi ses phases principales à l’Ordovicien et au Silurien, et les chaînes érigées à la fin du Silurien ont continué de subir des mouvements pendant le Paléozoïque supérieur. Leurs «drames» coïncident donc pratiquement avec la durée de l’ère primaire (cf. tableau).1. Le Protoatlantique ou IapetusLe Protoatlantique ou Iapetus est le creuset dans lequel ont évolué les éléments des chaînes calédoniennes. Celles-ci résultent en effet de la suturation de cet ancien océan, ouvert à la base du Cambrien, ainsi qu’en témoigne l’accident du Saint-Laurent, les premières ophiolites de Terre-Neuve et l’existence, dans les avant-pays, d’une zone de roches alcalines. L’expansion de l’Iapetus s’est prolongée jusqu’au Trémadoc, après quoi ses limites sont devenues instables, pendant que son histoire subissait des phases orogéniques successives, témoins de collisions devant aboutir dès le Siluro-Dévonien à l’effacement de cet océan. La naissance des chaînes calédoniennes s’est accompagnée de la soudure des deux parties jusque-là séparées de la Laurasie (Amérique du Nord-Europe) et a conduit à la formation du vaste continent des Vieux Grès Rouges, sur lequel la vie subaérienne des plantes et des animaux prit son essor.Dans la structure géologique du continent européen actuel, la chaîne calédonienne complète l’ensemble composé de l’Éoeurope (Fennosarmatie précambrienne), et de la Mésoeurope (Europe moyenne varisco-hercynienne) par une bande occidentale, la Paléoeurope que l’on suit vers le nord jusqu’au Spitzberg. Du côté américain, la majeure partie des Appalaches constituera le pendant de cette Paléoeurope.2. L’orogène calédonienHistoire du géosynclinalL’avant-pays du géosynclinal qui s’étendait du Spitzberg aux monts scandinaves et à la Grande-Bretagne était le bouclier fenno-sarmate, situé au sud-est. Au nord s’étendait l’océan Arctique; à l’ouest, sur l’emplacement de l’Atlantique Nord, l’Islande et le banc de Rockall suggèrent des jalons sialiques dont nous ne connaissons malheureusement pas l’histoire prétertiaire. Des terrains antécambriens sont connus en bordure nord-ouest de l’orogène: le Lewisien des Hébrides et de l’Écosse, le massif de Bergen et les îles Lofoten.L’enfoncement de l’orogène semble avoir commencé sous le poids des sédiments détritiques abondants (molasses) qui accompagnèrent le démantèlement des chaînes antécambriennes et constituèrent des séries «infracambriennes» (Torridonien) ou éocambriennes comme le Charnien (Angleterre) et la Sparagmite (Norvège). La faiblesse de la zone envisagée se manifeste dès lors par l’importance du volcanisme. Les dépôts marins sont mieux connus dans l’avant-fosse, par exemple dans le pays de Galles et sur le bord sud-est des monts scandinaves où ils n’ont pas été métamorphisés ultérieurement. Au contraire, dans la fosse principale, toute la série a été métamorphisée ultérieurement, en particulier l’Infracambrien (Moinien) et le Cambrien (Dalradien), si bien que seuls des accidents heureux permettent une datation, par exemple le Cambrien III identifié dans le Dalradien supérieur du sud des Highlands.La première phase importante du drame a été, à la fin du Cambrien VIII, celle de Trysil, soulèvement épeirogénique (affectant le socle continental) qui, en bordure du géosynclinal (depuis la Norvège jusqu’à l’Irlande occidentale en passant par les Midlands, le pays de Galles et le canal de Saint George), finit par susciter un géanticlinal divisant longitudinalement l’orogène calédonien et se couvrant rapidement de volcans (pays de Galles), tandis que des volcans sous-marins entraient en activité sur l’emplacement des monts scandinaves (Ordovicien X). Des soulèvements se sont produits pendant l’Ordovicien XII, accompagnés d’un volcanisme actif, de type explosif, par exemple dans le Carnarvonshire où les évents s’alignent sur une fissure jusqu’au Snowdon (nord-ouest du pays de Galles), qui est encore aujourd’hui un sommet de 1 089 mètres.Mouvements taconiquesLes résultats tectoniques deviennent plus violents pendant l’Ordovicien XIII, où se produisent d’abord des exondations dans le pays de Galles, le district des Lacs et l’Irlande, puis des plissements. Au Spitzberg, c’est la phase principale, accompagnée de la montée de granites synorogéniques.Cette période, déjà aiguë, de l’orogenèse calédonienne est contemporaine de mouvements très importants dans le reste du monde, surtout dans les Appalaches au niveau de la chaîne taconique. Aussi, les auteurs, depuis Hans Stille, lui donnent-ils le nom général de «phase taconique».Mouvements ardennaisUn calme relatif, coupé de spasmes, a régné après la crise taconique pendant le Silurien XIV: il se produit des charriages dans le district des Lacs et dans l’île d’Anglesey. La Scandinavie se soulève au Silurien XV.Les principaux mouvements qui se situent dans le Siluronien XVI comportent de nombreux épisodes en un temps très court. Au Ludlow, déjà, commence une vaste épeirogenèse affectant toute la Grande-Bretagne et la Scandinavie: les dépôts marins deviennent de plus en plus littoraux; puis, à la limite de Ludlow et de Downton, c’est la phase «ardennaise», au cours de laquelle se soulèvent les Southern Uplands, le pays de Galles, une partie de l’Irlande et probablement le canal de Bristol. Enfin, la phase érienne, d’âge downtonien (fin du Siluronien XVI), a soulevé toute la Scandinavie, affecté l’Écosse, le district des Lacs, le sud-ouest de l’Irlande (d’où son nom), et provoqué la surrection de cordillères dans le sud de l’Angleterre.Fin du drame calédonienLa plupart des «granites» calédoniens sont postérieurs à la phase érienne et appartiennent franchement au Dévonien inférieur.Pendant tout le Dévonien, la chaîne calédonienne, souvent rajeunie, a été démantelée par l’érosion et a abouti à une épaisse sédimentation détritique, charriée par les fleuves jusqu’à leurs deltas: ainsi sont nés les Vieux Grès Rouges .Une dernière phase, à la fin du Dévonien inférieur et au Dévonien moyen (phase de Svalbard), a abouti finalement aux grandes dislocations du fossé du Spitzberg occidental, à des plissements en Écosse et à des flexures en Angleterre. Elle s’accompagne de phénomènes volcaniques et de montées granitiques. Peu à peu se creuse le fossé des Lowlands d’Écosse, flanqué de volcans. À la fin du Dévonien moyen, un gros centre explosif s’est installé au niveau des Orcades.Au Carbonifère, le volcanisme continue, mais prend des caractères fissuraux: aux épanchements de laves sont associés des remplissages de grandes cassures, tels que le Great Whin Sill (long de plus de 150 km) du nord de l’Angleterre qui servit en partie de fondation au mur édifié par les Romains sur le limes de leur empire breton.TectoniqueLa chaîne calédonienne se subdivise en une série d’éléments structuraux pouvant se suivre des monts scandinaves à la Grande-Bretagne (fig. 2). D’une façon générale, ces zones ont été poussées vers l’avant-pays: il s’est ainsi produit des charriages, tel celui du Moine, au contact de la fosse principale, vers le nord-ouest, c’est-à-dire l’avant-pays lewisien, qui paraît s’être produit à l’Ordovicien; tel encore celui de la région de Narvik en Norvège, sur les zones de l’avant-fosse, c’est-à-dire vers l’est et le bouclier scandinave. Les grands charriages sont confirmés par l’existence de fenêtres.Un autre trait remarquable est la zone faillée du Great Glen, décrochement ancien de plus de 100 kilomètres, ainsi que le montre le décalage actuel des structures sur la carte géologique; cette zone est demeurée séismique de nos jours. Cet accident se prolonge en Norvège le long du synclinal de Jotunheim-Lyngen (Vogt, 1954), et peut être raccordé dans la zone appalachienne avec la faille de Cabot qui sépare la presqu’île de Terre-Neuve et le Nouveau-Brunswick du reste de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse (T. Wilson, 1962).3. Les mouvements calédoniens dans le mondeLa plupart des phases reconnues dans l’orogène calédonien ont des répondants au sein des orogènes contemporains; parfois même on peut les inclure dans de grands mouvements d’ensemble, des épeirogenèses qui ont eu d’importantes incidences sur la paléogéographie.Les premiers frémissements orogéniques de la fin du Cambrien sont sensibles dans toute l’Europe: la Pologne s’exhausse, en particulier au niveau des monts de Sainte-Croix; la Bohême, la Sardaigne, la Meseta ibérique également. Dans la zone appalachienne, Terre-Neuve est exondée.L’épeirogenèse taconiqueDes mouvements de soulèvement en deux phases distinctes ont affecté la croûte terrestre pendant l’Ordovicien XII et XIII. Ils ont été particulièrement intenses en des points précis de certains orogènes et dans les boucliers qui les jouxtent: dans l’orogène calédonien, ils se traduisent par les phases de Trondheim et d’Ekné et aboutissent à l’orogenèse principale du Spitzberg. Le bouclier scandinave se soulève par saccades, la plus importante se situant à la fin de l’Ordovicien XIII.Dans les Appalaches septentrionales se produit également une véritable orogenèse, tandis qu’ailleurs il s’agit d’une simple phase (phase blountienne). Ces mouvements s’accompagnent d’une discordance générale indiquant un soulèvement continu (épeirogenèse) pendant l’Ordovicien XII et XIII de l’est de l’Amérique du Nord jusqu’au haut Mississippi. Un seuil constitué par le matériel antécambrien des Laurentides et des Adirondacks s’élève alors, jouant le rôle d’un géanticlinal séparant deux provinces à sédimentation différente: celle du Champlain au sud-est, où se déposent des vases fines plus ou moins argileuses ou sableuses, avec des dolomies; celle des Allegheny au nord-ouest, plus calcaire, avec des lumachelles et de rares récifs coralliens. Les soulèvements de l’épeirogenèse taconique aboutissent, d’abord, à l’Ordovicien XII, à l’émersion de la Pennsylvanie, de l’Alabama et de l’État de New York, puis, à l’Ordovicien XIII, à des plissements et même à de grands charriages dans les vallées de l’Hudson et du Saint-Laurent, au lac Champlain, en Nouvelle-Angleterre, en Gaspésie et dans l’ouest de Terre-Neuve. Le charriage de la fosse de Magog vers l’ouest atteint 60 kilomètres. À cette époque se met en place un alignement de volcans basiques dont les structures profondes constituent la serpentine belt .Un volcanisme explosif à répétitions peut être décelé par des intercalations de couches de cendres, aussi bien en bordure de l’orogène calédonien, dans le pays de Galles et la région d’Oslo, que de l’orogène appalachien.De la fin de l’Ordovicien au Silurien XIV, des soulèvements en séquelle affectent encore, à l’est de l’Amérique du Nord, une terre ancienne aujourd’hui disparue, qui a reçu le nom d’Appalachia et dont les produits de démantèlement convoyés par les fleuves s’accumulaient au sud de l’aire taconique. Au Silurien XV, la zone taconique (Gaspésie, est de Québec, Nouveau-Brunswick et Maine) se couvre de volcans. L’orogène de l’est du Groenland (géosynclinal groenlandais) est complètement exondé.Dans l’orogène varisque, des mouvements se sont également fait sentir: en France, en Bretagne, par la discordance du Silurien XIV sur l’Ordovicien XIII et par un volcanisme terrestre et sous-marin important, dans le sud de la Montagne Noire où monte un volcanisme actif et où s’élève une cordillère, en Espagne où le bloc cantabrique se soulève. Au Maroc, tout l’Anti-Atlas surgit; des mouvements affectent la Kabylie. Au Sahara, le bouclier africain se soulève, ainsi que l’indique la discordance de l’Ordovicien XIII sur l’Ordovicien XI-XII.Au nord de l’Oural, la Nouvelle-Zemble est affectée de plissements accompagnés de la montée de granites. La mer se retirera du Timan et du Kanin au Silurien XV, tandis que se soulèvent les parties adjacentes de la plate-forme russe.En Asie, des géanticlinaux granitisés et volcanisés émergent sur l’emplacement du Kazakhstan; la mer abandonne le Salaïr dont le drame orogénique s’est déroulé pendant le Cambrien. Au Silurien XV, on observe des plissements dans la chaîne de Khara Ulach en bordure de l’Arctique.En Australie orientale, des mouvements se font sentir le long du géosynclinal tasman, surtout dans le sud où un géanticlinal s’élève dans les États de Victoria et de New South Wales, la chaîne de Benambra; le volcanisme s’y prolongera au Silurien. Les Andes sont émergées.Le résultat de telles exondations est la raréfaction des mers épicontinentales, très sensible dans les zones les plus troublées, comme le nord des Appalaches, où la mer ne subsiste que dans l’île d’Anticosti (Gamachien) à la fin de l’Ordovicien XIII.L’épeirogenèse ardennaiseDès le Ludlow, l’épeirogenèse qui affecte la Scandinavie et la Grande-Bretagne s’étendait à l’Ukraine et au Groenland. Des variations de faciès marins affectent aussi l’Europe centrale (Thuringe, Pologne). La phase «ardennaise» a des répercussions dans l’orogène varisque, avec des mouvements importants dans le sud de l’Ardenne (auxquels elle doit son nom) et le Harz, le soulèvement de la Bohême et du volcanisme en Bretagne. Dans les régions circumarctiques, des mouvements de même âge affectent le nord de la Nouvelle-Zemble et une grande partie de l’Oural (ouest, est et nord): les monts de Khara Ulach et la Nouvelle-Sibérie subissent des mouvements un peu plus tard.Le nord du bouclier africain et la majeure partie de l’Afrique du Nord se soulèvent (en particulier le Sahara occidental), laissant seulement une fosse subsidente dans la vallée du Dra.En Asie, des mouvements se produisent en Birmanie, au Vietnam du Nord et en Chine (Kwangsi, Nanshan). Le Kazakhstan, le nord-est du Salaïr, le Kouzbass, l’Altaï, le nord de la Sibérie se soulèvent.Presque tout le continent australien s’exhausse (phase de Bowning), sauf deux golfes.Conséquences climatiquesLe caractère universel de l’épeirogenèse taconique a entraîné, sur les régions circumpolaires de l’époque, l’apparition de glaciers. Les méthodes récentes du paléomagnétisme ont montré l’existence d’une des zones polaires au niveau du bouclier saharien. Or, les géologues ayant travaillé au Sahara ont trouvé qu’il existait des traces incontestables de vallées glaciaires ravinant les derniers sédiments ordoviciens et antérieures à la transgression silurienne, depuis la Mauritanie jusqu’au Tibesti. On peut en conclure à l’existence d’un véritable inlandsis polaire au sud du Sahara depuis la fin de l’épeirogenèse taconique jusqu’à la fin de l’épeirogenèse ardennaise.L’orogenèse calédonienne a eu pour principal résultat de souder pour un long temps les structures nord-américaines à celles de l’Europe. L’épeirogenèse ardennaise en soulevant toutes ces régions a fait naître progressivement au Siluronien XVI une vaste aire continentale qui a reçu le nom de continent des Vieux Grès Rouges et qui s’étend du Canada à l’Ukraine, dans une zone alors tropicale. La rareté des mers épicontinentales dans cette aire et sa position climatique lui ont apporté des conditions spéciales voisines de celles régnant aujourd’hui dans la région sahélienne d’Afrique (Tchad, Niger), c’est-à-dire des conditions semi-arides, de grandes étendues sableuses coupées de lacs temporaires dans lesquels se sont développés les Vertébrés.L’orogenèse calédonienne a plissé essentiellement les bordures des boucliers laurasiens, dont elle a complété la soudure, mais les exhaussements épeirogéniques auxquels elle est liée ont été universels. Entre les phases taconique et ardennaise, la soudure du bouclier canadien et de la Fennosarmatie s’est trouvée réalisée grâce à l’érection des chaînes calédonienne, groenlandaise et taconique, donnant ainsi naissance au continent Nord-Atlantique. Les travaux des paléomagnéticiens montrent d’une manière saisissante ce verrouillage qui se traduit par la mise à l’unisson des dérives de l’Amérique du Nord et de l’Eurasie.Du point de vue paléogéographique, l’orogenèse calédonienne a abouti en plusieurs temps à une extension des aires continentales et à des climats contrastés dont la répartition s’accorde bien avec des reconstitutions inspirées par les vues mobilistes.
Encyclopédie Universelle. 2012.